藝評
Le “Club 64/71”, un café hongkongais en passe de devenir mythique (in French)
敖樹克 (Gerard HENRY)
at 1:46pm on 21st October 2020
Caption:
Club 71, drawing by Gerard Henry. Photo courtesy of the artist.
(原文以法文發表,題為〈香港傳奇酒吧 – 64/71 吧〉。)
En marge de la vie hongkongaise mais au cœur de toutes les palpitations de la cité, le Club 71 qui doit disparaître le 30 octobre a été et est encore pour quelques jours le lieu de rendez- vous des artistes, cinéastes, journalistes, musiciens, écrivains et étudiants en mal d’échanges culturels et de rencontres où la parole est libre et le contact direct.
Certains lieux au départ sans aucune prétention cristallisent petit à petit par les gens qui les fréquentent tout l’esprit, les luttes et les espoirs d’une société. En partie underground, ils nourrissent et entretiennent tout un secteur engagé dans la société mais souvent délaissé par les autorités politiques ou culturelles.
Le Club 64, créé par Grace MA (Ma Lai-wah) et quelques partenaires fut fondé en 1990 à la suite du massacre des étudiants sur la place Tiananmen, le 4 juin 1989, évènement qui marqua profondément la société hongkongaise et entraîna les premières manifestations monstres de la population hongkongaise contre le gouvernement et Parti communiste chinois, de nombreux Hongkongais soutenant alors les étudiants de Pékin.
Lieu de rencontre des artistes, musiciens ou dessinateurs politiques
Grace Ma en fit un lieu très diffèrent de la foule des cafés bruyants de Lan kwai Fong, quartier à la vie nocturne animée. S’y retrouvaient autour d’un bar artistes, activistes politiques, dessinateurs politiques comme Zunzi, Malone ou Emu, souvent engagés dans des conversations passionnées. Les murs étaient recouverts de graffitis où chacun pouvait s’exprimer, et parfois y exposer. Mais derrière ce bar se trouvait une arrière salle où, jusqu’à très tard, des musiciens locaux et parfois étrangers de passage faisaient un jam autour du musicien et peintre Wong Yan-kwai et du joueur de erhu Jeff ainsi que des bluesmen de la cité. Toute personne qui venait avec son instrument pouvait s’y joindre.
Avec guitares, saxos ou erhu chinois et chanteuse de ballades chinoises comme Priscilla Leung Siuwai ou Huang Wen, l’atmosphère était très chaleureuse. Chacun se connaissait et se parlait sans aucune manière. On pouvait toujours y faire de nouvelles connaissances. On y trouvait aussi toutes les nouvelles culturelles et les petits magazines fabriqués artisanalement pas les étudiants ou les groupes d’artistes. C’était un lieu accueillant pour toute âme esseulée.
Un espace intellectuellement stimulant
Le bar s’animait très tard quand, après une exposition, un concert ou un spectacle de danse ou de théâtre, les artistes revenaient. Quelques cinéastes et hommes de théâtre en faisaient leur dernière halte de la journée ou de la nuit, des habitués comme le cinéaste Herman Yau ou christopher Doyle, le directeur de la photo de Wong Kar Wai. Mais on y rencontra aussi Pina Bausch qui, lorsqu’elle préparait sa pièce Le Laveur de carreaux pour le HK art festival de 1997, y donnait ses rendez-vous. Plus tard, au Club 71, Agnès B trouva aussi l’espace rafraîchissant et stimulant intellectuellement, loin des lieux à la mode et trop sophistiqués de Hong Kong.
Cependant, avec la popularité croissante de ce quartier de nuit, la pression assassine des promoteurs et propriétaires immobiliers se fit vite sentir, et le Club 64, ne pouvant plus faire face au loyer grandissant, dut fermer ses portes en 2004.
Grace Ma ne perd pas espoir et crée le Club 71
Mais Grace MA, l’âme de ce lieu, ne perdit pas espoir et retrouva un petit espace 200 à 300 mètres plus loin, à Soho, dans une venelle plutôt déserte à ce moment faisant face à un miniparc. Un lieu qu’elle baptisa Club 71 en commémoration de la gigantesque manifestation du 1er juillet 2003 à Hongkong contre l’article 23, qui proposait une loi de sécurité nationale antisubversion qui fit descendredans la rue 500 000 Hongkongais.
Ce Club 71 exerce encore le même pouvoir d’attraction sur les artistes et les étudiants, mais le Covid-19 est passé, qui a creusé le déficit, et le propriétaire du bâtiment, après avoir accepté de baisser le loyer pendant l’épidémie, a exigé à la rentrée une grosse augmentation, à laquelle Grace Ma et ses partenaires ne peuvent faire face. Faute de compromis et épuisée par ces pressions et tractations, Grace Ma est obligée après trente ans d’ouverture de fermer le lieu à la fin d’octobre.
Cette nouvelle, rapportée par la presse hongkongaise, a provoqué regrets et consternation, dans un moment où les Hongkongais sont confrontés à un gouvernement de plus en plus répressif, qui met en place une censure sur les ouvrages scolaires et fait peser une menace sur la liberté d’expression, ignore les espoirs de sa jeunesse, prometteuse pourtant d’un avenir plus brillant que le régime totalitaire qu’il met subrepticement en place.
法文原文刊於 Courrier international,2020年10月8日。
This article in French was originally published in Courrier international on 8 October 2020.
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